© Vermeulen Lucas -2025
Depuis trois ans, l’émission « Les Rencontres du Papotin » captive le public français. Une fois par mois, l’émission est diffusée le samedi soir à 20h30. Chaque épisode ramène plusieurs millions de téléspectateurs. Dans cette émission, pas de plateau rutilant, pas d’animateur vedette, pas de questions pré-écrites. Juste une rencontre brute entre une personnalité connu comme Omar Sy, Emmanuel Macron ou Clara Luciani et une rédaction composée de journalistes porteurs de troubles du spectre autistique. À l’origine de ce phénomène télévision qui défie les codes : Henri Poulain, réalisateur de l’émission. Nous l’avons rencontré à l’UMons, lors d’une conférence ouverte à des élèves.
La mise en scène : une inversion des rôles
Ce qui frappe d’emblée à la regarder, c’est l’architecture même du plateau. L’invité qu’il soit star du cinéma ou le président est systématiquement assis, souvent dos à la caméra ou de profil, tandis que les journalistes du Papotin se tiennent debout face à l’objectif. Cette disposition n’est pas du hasard. Elle inverse la hiérarchie habituelle du journalisme télévision : normalement, c’est l’intervieweur qui doit imposer sa présence, son contrôle. Ici, c’est l’inverse.
« En le mettant en position de vulnérabilité physique, on le rapproche de nous », explique Henri Poulain. Cette géométrie crée une asymétrie de pouvoir intentionnelle. La caméra regarde celui qui pose les questions. L’invité, figé dans son fauteuil, devient celui qui subit. Et c’est dans cette inversion que naît la magie : l’homme ou la femme puissante se retrouve soudain à la merci d’une question naïve, bienveillante mais imparable, formulée par quelqu’un de plus fragile dans la hiérarchie sociale. Le journaliste domine non par sa stature, mais par son intégrité.
En réalité, chaque rencontre dure autour de trois heures de tournage, bien plus que la petite trentaine de minutes diffusée le samedi soir sur France 2, ce qui implique de couper une grande partie des échanges au montage. Pour que cela ne soit pas vécu comme une censure brutale, l’équipe éditoriale prend le temps d’expliquer aux journalistes autistes pourquoi certaines séquences disparaissent : redondances, problèmes de rythme, contraintes de durée, ou questions trop intimes pour l’antenne, en s’appuyant sur l’habitude qu’ils ont déjà de voir leurs textes raccourcis dans la version papier du Papotin. La plupart le vivent bien, parce qu’ils savent que ces coupes n’enlèvent rien à la valeur de leur travail et que l’objectif reste de faire exister au mieux leur parole dans le format télévisuel imposé.
C’est peut-être ça, la force de l’émission : le téléspectateur ne regarde pas seulement une célébrité répondre, il assiste à une rencontre. Une conversation parfois drôle, parfois maladroite, souvent touchante et surtout imprévisible.
